Depuis longtemps je m’interroge sur le fait que certaines œuvres me touchaient plus que d’autres et sur ce qu’il se passait en moi lorsque je ressortais d’une exposition. Très souvent il m’arrive de ressortir quasiment dopée, fatiguée voir épuisée tellement mes sens (et mes jambes !) ont fonctionné. Pourquoi lorsque je regarde certaines toiles j’ai la chair de poule, alors que d’autres me touchent beaucoup moins… j’ai souvent constaté que des visiteurs souriaient face aux mêmes œuvres que moi, étrange.

Les neurosciences m’ont données quelques clés de compréhension ! Cette science apporte des réponses à nos comportements et notamment dans notre manière d’aborder le monde, nos congénères et l’art !

Une récente étude (Londres, 2012) a montré que le cerveau de personnes « exposées » à des chefs d’œuvres sécrète une hormone bien connu : la Dopamine, qui est aussi l’hormone de l’Amour, rien de moins ! L’art a la capacité de titiller nos émotions les plus profondes et nous fait du bien, il nous booste !

Tout notre cerveau entre en ébullition face à des œuvres d’art. Prenons le cas de l’art abstrait. L’art abstrait – comme son nom l’indique- ne représente pas le monde, mais notre cerveau loin de se déstabiliser va nous permettre de nous recréer un monde nouveau. L’imagination entre en action, nous établissons de nouveaux repères qui nous sont propres, nous construisons un univers qui n’appartient qu’à nous, nous voyons tout à coup émerger une histoire, des personnages. Une véritable invitation à la rêverie se met en place. Dès lors, je ne m’étonne plus de voir des personnes de tous âges rester fascinées devant certaines toiles !

Autre phénomène intéressant qui se produit parfois : vous souriez face à une sculpture… souriante ! Là ce sont les neurones miroirs qui entrent en action. Il semblerait que ceux-ci nous permettraient de percevoir et de reconnaitre les émotions d’autrui, ils développent notre empathie. Petit test pour ceux qui ont des bébés, regardez les, souriez leur et vous verrez que par empathie ils vous souriront, cela marche aussi si vous faites la moue ! Et bien c’est pareil face à une œuvre !

Très souvent il m’est arrivée d’engager la conversation avec des personnes inconnues lors d’exposition, surtout quand une œuvre m’interpelle et déclenche une émotion particulière. Beaucoup de personnes aiment confronter leur point de vue lors des visites, leurs ressentis sur ce qu’ils ont vu, cela permet  à chacun d’affirmer son caractère unique, sa personnalité, ce qui fait de nous ce que nous sommes. Au-delà de l’aspect psychologique l’art est un véritable développeur de lien social !

Et la pratique artistique me direz-vous ? Et bien c’est tout cela et plus encore !

Le fait de créer développe de multiples compétences intellectuelles et sociales. Lorsque vous décidez de créer, vous souhaitez atteindre un but, ce peut être quelque chose de simple en apparence : prenons un arbre. Je veux peindre un arbre, comment vais-je faire ? J’ai un « problème » qu’il va falloir que je résolve, pour cela, je vais construire de multiples croquis, faire des tests et soudain, je trouverai la solution. (C’est le principe de « l’inspiration »). Plusieurs zones de mon cerveau vont s’activer, les zones de la mémoire, des émotions, des connaissances, de l’équilibre, de mes sensations, bref tout mon cerveau. Si je suis empathique le dessin produit pourra faire émerger chez vous des émotions… Les artistes suffisamment empathiques déclenchent de l’empathie à travers leurs œuvres, c’est le grand défi de l’art !

La pratique artistique, à tout âge, favorise le bien être. Lorsque l’on crée nous nous mettons en parenthèse avec le monde extérieur, pour pénétrer dans notre monde intérieur et l’enrichir de nos expériences créatrices. Nous nous ancrons dans l’instant présent.

Prenons l’exemple de personnes âgées qui vivent en maison de retraite. La mise en place de séquences de créations leur offre un espace de liberté pour sortir du quotidien. Leurs expériences, leurs vécus, leurs compétences (physiques ou mentales) sont mises à contribution. C’est l’occasion d’échanger avec d’autres son point de vue, le résultat de telles ou telles expérimentations et surtout de partager.

Le fait de peindre, modeler, sculpter, dessiner etc. favorise le maintien de certains acquis et font émerger de nouvelles compétences parfois insoupçonnées. Il est nécessaire de laisser les personnes tester. L’erreur est constructive, elle permet de trouver des solutions de par soi-même. Parfois « l’erreur » amène sur d’autres chemins de création, elle devient source d’inspiration !

La création permet de rester curieux, ouvert au monde. La curiosité c’est la vie ! J’ai pu constater que les personnes âgées curieuses vivaient mieux. Même si physiquement cela n’est pas toujours facile, l’acte de création fait « oublier » les tracas de la vie quotidienne en ouvrant le champ des possibles. Elle développe d’autres modes d’expression quand la parole ne suffit pas.

Bibliographie : « La création artistique sous l’œil des neurosciences », Catherine Thomas-Antérion, éd. Klincksieck

https://www.franceculture.fr/conferences/college-des-bernardins/que-nous-enseigne-art